Ambre Chalumeau publie “Les Vivants”, et si l’on écrivait pour réparer ce qu’on ne peut réparer ?


Un jour, Ambre Chalumeau a ouvert un document sur son ordi. Elle y a mis un chagrin. Puis une honte. Une colère rentrée. Un souvenir de prépa. Un dialogue drôle pour ne pas pleurer. Un regard dans la rue. Une silhouette triste. Une scène de drague grotesque. Et, sans le savoir, elle venait de commencer Les Vivants.

Le roman est sorti chez Stock, et c’est peu dire qu’il vous suit. Ce n’est pas un livre qui se lit pour savoir ce qui se passe. C’est un livre qu’on lit pour vérifier qu’on n’est pas seul à être déboussolé, à être en retard dans la vie, à douter de tout sauf de son hypersensibilité.

Trois personnages, mille visages

Ils s’appellent Diane, Cora, Kevin. Ils ont 17 ans, 50 ans, parfois les deux en même temps. Ils ont faim. De reconnaissance, d’amour, d’air, de légèreté. Leurs corps changent, vieillissent, trahissent, rient, chutent. Leur famille les serre, les étouffe, ou les sauve. Parfois dans la même scène.

Ambre Chalumeau dit qu’elle les a tous peuplés d’elle-même. Un souvenir ici. Une phrase là. Une colère là-bas. Elle dit qu’elle est “éparpillée” dans ses personnages. C’est peut-être ça qui les rend si justes : elle les regarde avec l’œil de quelqu’un qui a peur de dire une phrase de travers. Avec une empathie un peu excessive, un peu encombrante — donc profondément humaine.

Un style à double vitesse

Les Vivants, c’est un livre qui a lu beaucoup de livres. Mais qui sait aussi tweeter. Ça fuse. Ça joue. Ça tacle. Et tout à coup, une phrase vous ralentit. Une lettre au père vous prend à la gorge. Une description de solitude étudiante vous coupe le souffle. L’humour protège, la tendresse désarme. On croit qu’on lit pour sourire, on découvre qu’on pleure.

Ce n’est pas un roman démonstratif. C’est un roman qui propose. Qui murmure : “Regarde, c’est peut-être comme ça. Ou peut-être autrement. Mais regarde quand même.”

Un roman du réel, mais réinventé

Il est question d’amitié, de maternité, de honte adolescente, de drague de business school, de féminisme, de la mort, du corps. Des vrais corps. Ceux qui vieillissent mal. Ceux qu’on juge trop. Ceux qu’on cache. Ceux qu’on voudrait fuir.

Ambre Chalumeau parle de l’âge adulte comme d’une claque. Le moment où le tutoriel s’arrête, et où “la partie commence”. Quand on découvre que personne n’a le mode d’emploi. Ni pour aimer. Ni pour éduquer. Ni pour tenir debout.

Un livre pour ceux qui doutent

Ce n’est pas un roman qui vous dit comment vivre. C’est un roman qui vous dit : moi non plus je sais pas trop. Mais j’ai regardé, j’ai écouté, j’ai pris des notes. Et j’ai transformé tout ça en récit. Pour qu’on se sente moins seul à pleurer devant une pub, à tomber amoureux d’un débile aux yeux bleus, à se demander si on est foutu pour de bon ou juste un peu bancal.

Alors, est-ce que Les Vivants est un roman générationnel ? Peut-être. Mais pas au sens d’un manifeste. C’est plutôt un miroir. Parfois flou, parfois grossissant, toujours tendre. Et dans ce miroir, chacun finit par se reconnaître. Même un tout petit peu.

Jean-Baptiste P.

Je m’appelle Jean-Baptiste, étudiant en lettres (mais je vous jure, je lis aussi autre chose que des classiques poussiéreux). J’écris sur ce qui me fait lever les yeux, tendre l’oreille ou froncer les sourcils : un album, un bouquin, une idée qui dérange.
Sur Pangee, je cherche pas à tout savoir — juste à mieux comprendre, en écrivant comme on parle à un pote un peu curieux. Et si je peux glisser une référence à Bashung ou Annie Ernaux au passage, c’est encore mieux.

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