Retour sur le Salon du Livre de Paris : tendances et signaux faibles

Avec plus de 165 000 visiteurs en quatre jours, l’édition 2025 du Salon du Livre de Paris confirme le retour du public en masse dans les grands événements culturels. Mais au-delà de cette affluence record, ce sont les signaux faibles qui ont retenu l’attention des professionnels. Derrière les stands, une même impression : le monde du livre est à la fois très vivant… et très incertain.

Visibilité accrue des indépendants, mais fatigue palpable

Si les grands groupes restent très présents — Hachette, Editis, Madrigall ont occupé des pavillons entiers —, les maisons indépendantes ont visiblement gagné en légitimité. Certaines, comme Le Tripode, Blast ou Anamosa, ont attiré autant de public que des structures dix fois plus grosses. Le public cherche des voix singulières, des projets éditoriaux incarnés. Mais les professionnels évoquent aussi une fatigue structurelle : trop d’événements, trop de nouveautés, trop peu de temps pour les défendre.

Plusieurs éditeurs indépendants ont d’ailleurs préféré ne pas participer, évoquant le coût, le manque de retombées concrètes, ou un désalignement avec leurs valeurs. Une dissociation douce, mais réelle, entre présence symbolique et pertinence économique.

Audio, manga et essais illustrés : les formats qui montent

Trois formats ont clairement tiré leur épingle du jeu cette année :

  • Les livres audio, avec des stands très animés, des séances d’écoute, et un public intergénérationnel.

  • Le manga, désormais incontournable, notamment du côté des jeunes lectrices et lecteurs (shōjo et LGBTQ+ très présents).

  • L’essai graphique ou illustré, à la croisée de l’enquête, du récit et de la BD, attire un lectorat avide de narration engagée et accessible.

Ces formats traduisent une mutation dans les pratiques de lecture, mais aussi dans les stratégies éditoriales : plus de transversalité, de collaborations entre auteurs, illustrateurs, journalistes, universitaires.

Nouvelles attentes, nouvelles contradictions

Côté lectorat, la demande d’engagement reste forte : écologie, féminisme, décolonialisme, ruralités… Les thématiques critiques sont plébiscitées. Mais l’attente de “livres qui changent le monde” cohabite avec un désir de légèreté, de fiction immersive, de récits d’introspection. Cette tension traverse tous les rayons — et oblige les éditeurs à affiner leurs équilibres.

Autre signal faible : la montée en puissance des métiers de l’ombre. Traduction, correction, graphisme, fabrication… De plus en plus de conférences et de tables rondes ont mis en avant ces compétences longtemps invisibilisées. Signe que le secteur interroge ses propres hiérarchies.

Sources

(1) Paris Livres Événements, Bilan officiel du Salon 2025
(2) GfK, Focus genres émergents, avril 2025
(3) Observatoire de l’économie du livre, Tendances éditoriales 2024–2025
(4) ATLF, Note de veille “visibilité des métiers invisibles”, mars 2025
(5) Revue Livres Hebdo, Dossier spécial Salon du Livre – mai 2025

Jean-Baptiste P.

Je m’appelle Jean-Baptiste, étudiant en lettres (mais je vous jure, je lis aussi autre chose que des classiques poussiéreux). J’écris sur ce qui me fait lever les yeux, tendre l’oreille ou froncer les sourcils : un album, un bouquin, une idée qui dérange.
Sur Pangee, je cherche pas à tout savoir — juste à mieux comprendre, en écrivant comme on parle à un pote un peu curieux. Et si je peux glisser une référence à Bashung ou Annie Ernaux au passage, c’est encore mieux.

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