Les femmes disquaires : un secteur encore trop masculin ?
Dans l’imaginaire collectif, le disquaire reste souvent un homme, 35–60 ans, passionné de rock ou de jazz, parlant catalogue à la main. Cette image, largement construite par la pop culture et les médias, reflète encore une réalité statistique tenace. En 2025, seulement 18 % des disquaires en activité en France sont des femmes, selon les données de la Fédération des Disquaires Indépendants (1).
Des obstacles structurels et symboliques
L’accès au métier reste semé d’embûches. Peu de formations dédiées, des statuts flous, un capital de départ difficile à réunir, surtout pour les entrepreneuses en solo. Mais au-delà des contraintes économiques, c’est souvent la question de la légitimité culturelle qui freine. Certaines femmes racontent avoir été testées sur leurs goûts, interrompues dans leur boutique, ou invisibilisées dans les réseaux de disquaires (2).
Le secteur, longtemps structuré autour de cercles informels masculins, peine à ouvrir ses portes. Même dans les réseaux indés ou alternatifs, les programmations restent souvent très genrées — et les prescripteurs toujours majoritairement masculins.
Des figures qui ouvrent la voie
Malgré cela, des femmes prennent leur place, changent les lignes, et inventent d’autres manières de tenir une boutique. À Marseille, à Rouen, à Poitiers, à Strasbourg, plusieurs disquaires féminines sont devenues des références locales, que ce soit en musique électronique, en reggae, en jazz contemporain ou en punk.
Certaines associent la vente à d’autres activités : label, atelier radio, programmation de showcases, travail éditorial. Elles redéfinissent le métier, dans un rapport moins fétichiste au disque, plus accessible, plus transversal. Et elles créent des modèles inspirants pour les générations suivantes.
Une féminisation lente mais décisive
Le changement passe aussi par les formations : en 2025, les nouvelles promotions de la formation “Disquaire & Métiers du vinyle” (AFDAS) comptent près de 40 % de femmes, contre 15 % il y a cinq ans (3). Plusieurs réseaux féminins émergent, des groupes se créent pour mutualiser les ressources, partager les bonnes pratiques et créer de la visibilité.
Car plus qu’une simple question de représentativité, il s’agit de diversifier les récits musicaux, les formes de médiation, les expériences d’écoute. Et de s’assurer que les bacs ne soient pas le dernier bastion d’un entre-soi hérité.
Sources
(1) Fédération des Disquaires Indépendants – Cartographie 2025
(2) Collectif “Ouvrir les bacs” – Témoignages recueillis lors des Rencontres Indés 2024
(3) AFDAS – Statistiques de la formation professionnelle 2020–2025