Portrait : un label indé qui fait du bruit (Born Bad Records)

On l’imagine mal dans une tour de verre. Né à Ivry-sur-Seine en 2007, Born Bad Records n’a jamais eu d’ambition mainstream — et c’est ce qui fait sa force. Fondé par Jean-Baptiste Guillot, alias JB Wizz, le label s’est imposé en quinze ans comme l’un des acteurs majeurs de la musique indé en France. Sans jamais renoncer à sa ligne : des disques radicaux, des objets soignés, une liberté artistique totale.

Une esthétique brute, un goût pour les marges

Garage français, punk arty, cold wave électronique, rééditions de rock yéyé oublié… Born Bad refuse les catégories. Sa signature ? Un flair infaillible pour les projets qui n’entrent nulle part ailleurs. On lui doit la percée de groupes comme Frustration, La Femme, Cheveu, ou plus récemment Bryan’s Magic Tears. Chaque disque est une prise de risque, mais rarement un faux pas.

Au-delà du son, c’est un projet esthétique cohérent, du graphisme des pochettes au ton des communiqués de presse. Un univers cultivé, sale, joyeusement underground — qui attire un public fidèle, pas toujours facile à classer.

Une économie artisanale… mais solide

Born Bad n’a jamais voulu devenir une machine. Le label reste à taille humaine, avec une petite équipe, un réseau de disquaires indés, des partenariats avec des tourneurs DIY, et une diffusion via L’Autre Distribution. Le vinyle représente encore 70 % des ventes (1), souvent en tirages limités. Le streaming est présent, mais pas prioritaire.

L’économie repose sur un modèle équilibré : un mix entre nouveautés, back catalogue et rééditions cultes (Brigitte Fontaine, Jackie Chalard, Marie Möör…). Le label touche aussi des aides publiques ponctuelles (CNC, CNM), mais reste farouchement indépendant dans ses choix.

Une influence qui dépasse la musique

En cultivant son indépendance, Born Bad est devenu un marqueur culturel. Le label a inspiré une génération de structures DIY, de festivals, de collectifs sonores. Il est aussi un symbole de résistance à une industrie musicale de plus en plus lissée, pilotée par les algorithmes.

En 2025, Born Bad continue de surprendre. Pas de stratégie virale, pas de hit TikTok, mais des disques qui dérangent, séduisent, s’imposent avec le temps. Une autre temporalité. Un autre imaginaire. Et une fidélité sans faille à la marge, dans ce qu’elle a de plus vivant.

Sources

(1) Born Bad Records, chiffres internes – entretien avril 2025
(2) Revue Audimat – “Labels radicaux, postures et survie”, n°18, janvier 2025
(3) CNM – Aides perçues par les labels indépendants, rapport 2024
(4) Enquête Disquaires Indépendants / Fédération Fédélima – 2025

Henri L.

Je suis Henri L., 56 ans, fonctionnaire dans une collectivité locale dans le Nord et observateur attentif de la vie culturelle depuis plus de trois décennies.
Lecteur assidu, mélomane fidèle et curieux de tout ce qui fait sens, j’écris sur Pangee Media pour prendre le temps de penser le monde autrement, loin du flux et des raccourcis.
Ni nostalgique ni blasé, je crois à la force des récits, à la clarté des idées, et à la culture comme espace de transmission.

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