Le vinyle est-il en train d’éclipser le streaming dans la musique indépendante ?

En 2025, on pourrait croire que tout passe par Spotify, Apple Music ou Deezer. Pourtant, dans les coulisses de la musique indépendante, le vinyle connaît une vitalité inattendue. Tirages limités, pressages artisanaux, pochettes illustrées à la main… Le 33 tours séduit les labels alternatifs, les disquaires passionnés et un public en quête de lien tangible avec la musique.

Une renaissance artisanale et militante

Selon le Syndicat national de l’édition phonographique, les ventes de vinyles ont progressé de 14 % en France en 2024, atteignant un niveau jamais vu depuis 1990 (1). Mieux : dans les labels indés, le vinyle représente parfois plus de 50 % du chiffre d’affaires, loin devant le streaming, qui peine à couvrir les frais de production (2).

Ce retour du vinyle n’est pas qu’une affaire de nostalgie. C’est une réponse politique : au modèle de la rémunération fractionnaire (0,004 € par écoute sur Spotify), les artistes préfèrent vendre 300 vinyles à 25 € pièce… et garder la main sur leur art. Ce choix implique plus de logistique, plus de temps, mais aussi une fidélisation bien plus forte du public.

Le rôle pivot des disquaires indépendants

Les disquaires jouent un rôle central dans cette dynamique. En 2025, on compte plus de 550 disquaires en activité en France, contre à peine 300 il y a dix ans (3). Ces lieux deviennent des espaces de découvertes, de concerts intimistes, de discussions passionnées. Ils proposent ce qu’aucun algorithme ne peut offrir : la recommandation humaine, le contact direct, la matérialité du son.

Les labels indépendants — La Souterraine, Born Bad, Figures Libres, Pagans — ont souvent des accords directs avec ces points de vente. Ensemble, ils recréent un écosystème parallèle, résilient, loin des majors et des plateformes globalisées.

Un équilibre fragile entre physique et numérique

Cela dit, le streaming reste incontournable pour exister médiatiquement. C’est lui qui permet aux morceaux d’être repérés, partagés, intégrés aux playlists. Les artistes doivent donc jongler entre présence numérique et stratégie physique. Beaucoup adoptent une approche hybride : diffusion gratuite en ligne, mais version vinyle enrichie, limitée, numérotée, signée.

Ce modèle ne conviendra pas à tous. Il demande une fanbase engagée, une production soignée, une gestion rigoureuse. Mais pour de nombreux artistes indépendants, c’est le seul modèle viable à long terme.

Sources

(1) SNEP, Bilan du marché de la musique enregistrée – mars 2025
(2) Bureau Export / CNM, Enquête sur la rémunération des artistes indépendants – 2024
(3) Fédération des Disquaires Indépendants, Observatoire 2025
(4) Entretien croisé avec Figures Libres et Pagans, Revue Audimat, avril 2025

Jean-Baptiste P.

Je m’appelle Jean-Baptiste, étudiant en lettres (mais je vous jure, je lis aussi autre chose que des classiques poussiéreux). J’écris sur ce qui me fait lever les yeux, tendre l’oreille ou froncer les sourcils : un album, un bouquin, une idée qui dérange.
Sur Pangee, je cherche pas à tout savoir — juste à mieux comprendre, en écrivant comme on parle à un pote un peu curieux. Et si je peux glisser une référence à Bashung ou Annie Ernaux au passage, c’est encore mieux.

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