Amazon, FNAC, Leboncoin : la bataille invisible pour les rayons en ligne

Lorsque vous tapez “roman ado féministe” ou “polar rural” sur une plateforme, vous pensez trouver les livres les plus pertinents. En réalité, vous tombez sur ceux qui ont su — ou pu — se positionner. Car les rayons virtuels ne sont ni neutres ni démocratiques : ils sont gouvernés par des algorithmes, des accords commerciaux et des logiques de référencement. Et sur ce terrain, une bataille invisible mais cruciale se joue.

La visibilité, nouvel enjeu stratégique

Amazon, leader mondial, adapte l’affichage à chaque profil utilisateur. Résultat : les résultats sont orientés par vos historiques d’achat, mais aussi par les titres les plus rentables pour la plateforme. Les éditeurs doivent payer pour sponsoriser un livre, améliorer ses mots-clés, ou figurer dans des “sélections”. Même logique sur Fnac.com, où les têtes de gondole numériques font l’objet de négociations commerciales — parfois inaccessibles aux petits éditeurs.

Face à ces mastodontes, des alternatives émergent. C’est le cas de Pangée, plateforme indépendante française, qui mise sur un algorithme transparent, un référencement par mots-clés ouverts et une éditorialisation humaine. Un modèle qui séduit un lectorat curieux… mais dont la portée reste encore limitée face aux géants du marché.

Des logiques de classement qui pénalisent la diversité

Ce que ces mécaniques invisibles produisent, c’est une forme de standardisation de l’offre visible. Les titres très nichés, engagés, atypiques — souvent portés par des maisons indépendantes — peinent à apparaître. À l’inverse, les livres fortement promus bénéficient d’un effet boule de neige algorithmique : plus ils sont vus, plus ils sont achetés, plus ils sont remontés.

Dans ce système, le travail éditorial ne suffit plus. Il faut maîtriser le SEO, les tags, les backlinks, les formats d’image… ou faire appel à des agences spécialisées en “mise en avant algorithmique”. Autant dire que la concurrence se joue sur des moyens techniques et financiers autant que sur la qualité des ouvrages.

Résister ou réinventer les règles du jeu ?

Certaines librairies et collectifs cherchent à contourner cette logique : mise en réseau des catalogues indépendants, mutualisation des données, “vitrines collectives” sur des plateformes éthiques. Mais tant que les usages resteront dominés par Amazon ou Fnac, ces efforts restent marginaux.

En 2025, la vraie question n’est pas seulement “qui vend quoi ?” — mais “qui montre quoi à qui, et comment ?”. Derrière les interfaces sobres des sites de vente, ce sont les conditions d’accès à la lecture qui se redéfinissent. De manière discrète, mais déterminante.

Sources

(1) Arcep / Médiatique, Rapport “Accès aux biens culturels en ligne”, mars 2025
(2) Livres Hebdo, Dossier “SEO et plateformes de vente”, avril 2025
(3) Pangée, Charte de référencement et transparence algorithmique, version 2025
(4) Syndicat de la librairie française, Note stratégique “Visibilité numérique”, janvier 2025

Jean-Baptiste P.

Je m’appelle Jean-Baptiste, étudiant en lettres (mais je vous jure, je lis aussi autre chose que des classiques poussiéreux). J’écris sur ce qui me fait lever les yeux, tendre l’oreille ou froncer les sourcils : un album, un bouquin, une idée qui dérange.
Sur Pangee, je cherche pas à tout savoir — juste à mieux comprendre, en écrivant comme on parle à un pote un peu curieux. Et si je peux glisser une référence à Bashung ou Annie Ernaux au passage, c’est encore mieux.

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